Selon le Forum économique mondial, il va falloir attendre 170 ans pour que véritablement l’égalité professionnelle Femmes-Hommes soit une réalité au niveau mondial. Selon le rapport, la courbe de progrès s’est inversée après avoir atteint un pic en 2013. Un recul net est observé notamment dans quatre domaines : le niveau d’instruction, les opportunités économiques, l’émancipation politique et la santé.
Au niveau européen, malgré les débats, la situation n’a guère changé ces dernières années et les femmes continuent de faire face à un plafond de verre tenace, qui rend difficile toute progression dans leur carrière. Les directions et conseils d’administration des entreprises restent essentiellement masculins.
Les progrès pour leur féminisation ne sont perceptibles que dans les pays où les quotas ont été introduits comme en France où le chemin parcouru ces 10 dernières années en matière d’égalité Femmes-Hommes est réel. La Loi "Copé-Zimmermann" de 2011, a favorisé une prise de conscience collective et génère des résultats probants : le nombre de femmes dans les Conseils d’Administration des sociétés du CAC 40 et SBF 120 dépasse maintenant 30 % et l’objectif de 40 % en janvier 2017 devrait être atteint. Ce n’est pas le cas des sociétés du SBF250 ou des sociétés non cotées couvertes par la loi (50M€ de chiffre d’affaires et 500 employés). Même s’il est à regretter que seulement deux groupes du CAC 40 soient dirigés par une femme et que le taux de représentation des femmes n’y soit que de 34 %.
Le risque existe cependant de se satisfaire collectivement de cette mesure forte et ultravisible, qui place la France dans un rôle de modèle. Car au-delà des conseils d’administration, le compte n’y est pas. Alors que nous faisons face à des défis tels que le vieillissement de la population, la rareté des compétences, les crises financières et économiques à répétition, il est vital de tirer avantage du talent de la moitié des salariés et entrepreneurs de France.
La présence des femmes dans les instances exécutives de direction reste très en retrait (14 %) et ne progresse pratiquement pas. Cette situation montre qu’au-delà des causes de discrimination connues et reconnues, les entreprises françaises manquent encore de volonté stratégique pour faire réellement progresser la parité dans leurs instances, et ceci dès le management intermédiaire. Se priver de 50 % des talents est une erreur.
Dans le rapport remis le 20 septembre dernier à la ministre du Travail Myriam El Khomri et au ministre de la ville Patrick Kanner, réduire les discriminations à l’embauche en France pourrait rapporter 150 milliards et favoriserait la hausse de 14 points de hausse du PIB au cours des 20 prochaines années.
Les femmes s’impatientent. D’après une étude de l’IFOP, trois Françaises sur quatre sont exaspérées de voir leur condition de femmes freiner leur évolution professionnelle. En matière d’égalité des salaires, nous ne sommes qu’au 134ème rang sur 144 avec 19 % d’écart moyen entre les salaires des femmes et des hommes à poste égal.
Les hommes accepteraient-ils de ne plus être payés pour leur travail à partir du 7 novembre ? Non, bien sûr. Alors, agissons !
Une loi n’est pas possible car elle représenterait une ingérence dans les affaires privées des entreprises. C’est un fait. Alors les entreprises et leurs dirigeants doivent se mobiliser massivement pour favoriser une politique d’égalité au sein de toutes les entreprises françaises. À une époque où la croissance n’est pas au rendez-vous, promouvoir les femmes dans les entreprises à tous les niveaux hiérarchiques accélèrera croissance, innovation et compétitivité. Les chiffres parlent d’eux-mêmes, selon le Women Equity for Growth, les PME non cotées dirigées par des femmes génèrent de meilleurs résultats dans 11 secteurs sur 17. Selon le cabinet Rothstein Kass, les hedge funds dirigés ou détenus par des femmes ont dégagé une rentabilité de 6 % entre 2007 et 2013 alors que l’indice global a reculé de 1,1 % sur la même période.
À l’évidence, les entreprises doivent se fixer comme objectif stratégique d’attirer, et d’entretenir leur vivier de Femmes, en les accompagnant tout au long de leur parcours professionnel jusqu’aux plus hautes fonctions de gouvernance, et ce au profit de toute notre économie. Mais pas seulement, il est essentiel que les entreprises soient elles-mêmes accompagnées, valorisées dans leurs démarches par tous les acteurs de l’économie, de la politique, de la société civile qui doivent s’engager plus avant pour que l’évolution professionnelle des femmes se fasse à égalité avec celle des hommes.
Texte co-écrit avec Françoise Derolez, Co-présidente de Professional Women’s Network Paris
@cecilebernheim
à gauche Cécile Bernheim; à droite Françoise Derolez
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